mardi 18 octobre 2011

Heartaches and pain

 
A la fin du concert, Charles Bradley serre la main à toute la première rangée, descend dans la fosse puis se lance dans une série de câlins moelleux, d'accolades en sueur, de clins d'oeil malicieux, et de bisous volés avec le reste du public encore sous le charme. Ce geste n'est sans doute pas spontané ni même gratuit, le public n'a pas été à vrai dire si exceptionnel. Cela ne mérite pas une telle confusion des sentiments. On a clapoté des mains en rythme, gesticulé des hanches, dodeliné de la tête, fredonné quelques paroles, ou juste fait semblant de comprendre parfaitement ce qu'il baragouinait en english mais rien de plus. Les rôles semblent donc pour une fois inversés. Et à 15 euros la soirée, j'ai l'impression que tu en fais un peu trop, mec, ressaisis-toi, tu ne les a pas volés... Sauf que...
Sauf que le Charlie, il a l'air d'y croire à mort. Pas le genre je suis en train de jouer le vieux papy sympa qui racole un max. Non, m'sieur-dames. Sa sincérité ne fait aucun doute là dessus car durant une heure d'un live époustouflant et extrêmement passionné, l'ancien cuistot n'a parlé que de ça. De ce mot dont on se méfie comme une maladie vénérienne, si tendancieux qu'on le contient dans sa bouche comme une remontée gastrique, qui irrite le bout des lèvres comme un aphte douloureux: l'amour. Avec un grand H. 
 
Quand il raconte la mort de son frère ou ses propres galères, Charles Bradley vit intensément ses chansons. Les larmes lui montent souvent aux yeux. Son visage se crispe, son regard s'embrume, ses mains s'ouvrent vers le ciel. Son corps semble avoir gardé les traces de son lourd passé. Acteur de génie ou soulman sincère, sa voix, son jeu de scène un peu gauche mais si touchant déstabilisent rapidement l'auditeur. Car pendant tout le set, au-delà de la musique fabuleuse qui l'accompagne (le Menahan Street Band s'effaçant complètement pour laisser toute la place que mérite Bradley), ce sont surtout ces petites histoires du looser magnifique qui se prenait pour James Brown, qui a galéré un max, qui a connu le milieu de la dope, qui s'est fait prendre en stop par un mec qui venait d'assassiner sa femme, qui a travaillé avec des fous, qui a vu son frère mourir ou qui réalise son rêve de gosse à 62 ans que tu te prends en pleine tronche comme une balle de 357 magnum. Et pendant cette heure magique, on ne sait plus trop vraiment sur quel pied danser, ni où ni quand l'on est. Brooklyn? Rouen? La Floride? 1963? 2011? 1952? Et puis quelle position de spectateur choisir? Il n'y a pas de mode d'emploi allant avec le concert. Faut-il s'emballer pour le groove que le Menahan Street Band est en train de balancer? Ou bien chialer comme un mioche sur les mots et la voix de Charles Bradley? Il veut qu'on aime tout le monde. Il a beau le répéter à tout bout de chant. On ne sait que faire. Rouler une pelle à ses voisins-voisines?
Mais j'aime personne moi. Soudain.
Tout se mélange. Retour en arrière.
1) Mauvaise idée. Je n'aurai pas dû manger chinois avant de venir. Je commence à douter de la qualité du boeuf que m'a servi Jacky Chan. Les gens disent toujours que c'est du rat. Ils ont vu ça dans Envoyé Spécial. Les gens sont cons. Je suis en plein hallucination 2) Ou alors c'est la bière chaude dans le gobelet? GHB, et tout ce genre de conneries. Barman à la con. 3)J'avoue. Je ne sais plus très bien où j'en suis.
Je ne vais pas pleurer à un concert. Non. Ce n'est pas possible. Pourtant ma vision se trouble. Sont-ce des larmes? Des gouttes de sueur d'une digestion cantonaise difficile. J'aurai dû aller voir Rihanna. Qu'est-ce qu'il a mis dans ses nems, l'autre? NB: Ne plus manger chinois. Tiens, c'est la dernière chanson, on dirait. Déjà? questionne-t-on autour de moi. Il n'y aura plus de rappel, il est parti papy, c'est gros comme une maison. Il a tout donné. Et il a joué tous les titres de son album. Il a 62 ans après tout. C'est la fille à côté de moi qui dit ça. Elle sent le CK one et le kebap. J'aurai dû aussi manger un kepab avant de venir. Ouais. Carrément.
Post coitum animal triste. 

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